L’exposition ‘‘Semer’’ rend compte du travail récent de Claire Beaulieu, en réunissant des œuvres sur papier et des sculptures de perlages déployées dans l’espace de la galerie. Explorant les relations entre l’humain (ses croyances, son identité, sa perception de soi) et le monde naturel (botanique, astronomique, biologique, etc.) l’œuvre de Beaulieu célèbre et magnifie le vivant, autant par les motifs représentés que par la méthodologie que l’artiste adopte. En tirant un parallèle entre les possibilités génératives de la sérialité et la capacité de la nature à se multiplier, elle traite du processus créateur mais aussi de la cosmogonie, de la quête de sens, de notre place dans la vastitude de l’univers, de l’infiniment petit à l’infiniment grand.
Si les corpus d’œuvres sur papier et les sculptures suspendues peuvent sembler tirer leurs sources d’explorations distinctes, elles ont en commun de se développer à partir de l’adjonction de petits éléments accumulés, sortes d’unités de base qui ensembles, créent de nouveaux tout. Les dessins à l’aquarelle de plantes – racines, semences, graines, feuilles, etc. – se succèdent dans une série où la répétition met simultanément en valeur l’unicité de chaque motif et la fécondité propre à la nature. De même, les perles tissées donnent corps à des formes qui rappellent les structures cellulaires ou encore les constellations, des symboles du vivant où l’on passe du microscopique au macroscopique. Ce rapprochement iconographique est réifié par l’utilisation de la lumière, qui prend une place de plus en plus importante dans la démarche de Claire Beaulieu et met en valeur les qualités diaphanes du verre et ses possibilités d’évocation. Les ombres portées, sur les murs ou le sol, tissent d’inextricables toiles autour des sculptures de perles, contribuant ainsi à les inscrire dans l’espace d’exposition en leur donnant une plus forte présence que ce que la fragilité de leur construction pourrait suggérer.
Le jeu de la transparence et de l’opacité est aussi au cœur des aquarelles, hybridées d’impressions numériques et d’acétates qui se superposent, voilent et dévoilent. En particulier, des fragments d’œuvres tirées de l’histoire de l’art viennent affirmer dans les images l’équivalence entre la nature et l’acte créateur pour Claire Beaulieu. Pour l’artiste, l’art est le pendant de la nature en ce que l’un et l’autre portent en eux des potentialités infinies, des énergies inépuisables. En laissant visibles les œuvres qui ont nourri sa démarche, elle reconnaît en quelque sorte le continuum de la création, où une chose en appelle une autre dans un cercle sans fin. Tout ceci se passe par couches ou strates, par ajouts et collages, que l’artiste explore tout au long du processus de travail. Comme la serre du botaniste, l’atelier de Claire Beaulieu est toujours en évolution, en foisonnement d’œuvres baignées dans la lumière, propices à des moments de contemplation, des temps d’arrêt, des instants de découvertes. En exposition, la multiplicité, la sérialité et les variations rendent compte d’une démarche en perpétuel mouvement, nourrie par la quête de sens, la compréhension de notre monde et un rapport incarné à ce qui nous entoure.
Texte de Marie-Pierre Bocquet
Semer (salle 7) / Techniques mixtes, 2020-2021
Les multiples / Tricots de fil de métal et perles de plastiques / Installation, 2015-2020
Robe, Voie lactée / Perles phosphorescentes, fil de métal / Installation, 2015-2019