Tout ce qui… scintille
La peinture de Louise Prescott est dynamique, fluide et nous porte vers un monde empli de rêveries. L’exposition, qui habite tout le deuxième étage de la galerie, nous fait voyager à travers un mouvement de couleurs et de courbes qui transporte notre regard.
Il y a également des extraits de poèmes de Jean-Paul Daoust qui accompagnent les œuvres, complétant la relation étroite qui s’installe entre le spectateur et la peinture.
Vous menez votre carrière d’artiste professionnelle
depuis plus de 30 ans. À l’origine, quel a été l’élément déclencheur qui vous a donné envie de faire carrière dans les arts ?
Avant ma carrière d’artiste professionnelle, j’ai fait un baccalauréat en psychoéducation et j’ai travaillé pendant des années en institution puis à mon compte pour un bureau de services cliniques. L’art faisait partie de mes temps libres comme loisir, jusqu’à ce que je ressente le besoin de mettre la création au premier plan et d’en faire une carrière. Je suis alors retournée aux études pour un baccalauréat en arts visuels à Concordia que j’ai terminé en 1987.
Vous utilisez la peinture pour exprimer
vos idées, cette technique utilisée
par les grands maîtres depuis si longtemps. Pourquoi travailler avec un médium
qui a tant d’histoire ?
Louise Prescott : Au départ, ce n’est pas une question qui s’est posée, car la peinture s’était imposée d’elle-même. Par contre, il est évident que c’est un médium chargé d’histoire et qu’il est apprécié par beaucoup d’artistes. Je crois que lorsqu’on utilise une technique avec une si grande connotation, il est d’autant plus important de maintenir une vision personnelle et qui nous représente pleinement. De plus, il y a également une certaine liberté à utiliser la peinture, ce qui constitue ma valeur première. Le médium me permet de travailler beaucoup et sur des grands formats. Je pousse également plus loin la notion de liberté en utilisant de la toile libre; le transport, l’entreposage et l’installation s’en voient alors facilités.
Considérez-vous vos œuvres
dans la lignée de l’art contemporain ?
Louise Prescott : Pour ma part, je commence à remettre en question la tendance en art contemporain à mettre sur un piédestal tout ce qui est conceptuel. Je crois qu’il faut des alternatives à l’art politiquement engagé ou encore à l’art qui propose une réflexion critique. Il commence à y avoir un genre d’élitisme très dérangeant dans cette formule. La liberté d’expression de l’artiste en est alors souvent écorchée par ces effets de mode qui influencent le marché de l’art contemporain et les musées. Je souhaite plus que tout rester fidèle à moi-même dans chacune de mes créations et je crois que la valeur première des œuvres doit provenir de l’authenticité de la voix de l’artiste et c’est ce que j’ai voulu dans mon exposition à la GAP. Je pense aussi que par sa thématique et son traitement, ma peinture est tout à fait actuelle. C’est une réflexion sur la nature, la lumière et la poésie. On en a bien besoin par les temps qui courent!
Quel est le point de départ d’une œuvre ?
Louise Prescott : Tout d’abord, il y a tout un travail intérieur bien avant de commencer à travailler la matière. Je voyage pour accumuler des images, je lis, je prends beaucoup de photos. Tout ce qui m’entoure est source d’inspiration.
À un moment, une idée émerge et la création peut commencer. Souvent, ce qui est déterminant pour moi, c’est la couleur. C’est ce qui emmène l’émotion au tableau et c’est influencé par toute sorte de choses, soit la lumière, la température, la saison ou encore ce que je vis. Le processus est plutôt long, ainsi, pour Tout ce qui… scintille, il y a au moins quatre années de travail.
Vous utilisez la peinture de manière très libre et gestuelle, d’où vous vient ce besoin de donner du mouvement à un tableau ?
Louise Prescott : L’élan du moment, l’instinct, le désir, l’inconscient. Je suis une personne dynamique, expressive et active, inévitablement ma personnalité se retrouve dans mes tableaux et je crois qu’en tant qu’artiste, c’est important de mettre une part de soi dans ses créations. De plus, je crois que la peinture est très proche de la poésie puisque le poète saisit des images par son inconscient. Je fais la même chose sur une toile et pour cela, le geste doit être libre.
Il faut saisir l’idée au vol.
Y a-t-il des artistes
qui influencent vos créations
ou qui vous inspirent?
Louise Prescott : Ce sont surtout les automatistes et les expressionnistes abstraits. Leur travail m’a toujours impressionnée. Il y a également une ressemblance avec mes œuvres dans la manière de travailler en utilisant l’accident et l’intuition.
Vos œuvres semblent avoir une relation particulière avec la nature. Dans quelle mesure ce thème prend place dans votre création ?
Louise Prescott : Elle est essentielle. Pendant mon enfance, la nature revêtait une importance particulière puisque j’y faisais beaucoup d’activités et j’adorais être à l’extérieur. J’ai besoin du grand air et on le voit dans mon travail. C’est également un thème qui a traversé toute ma carrière et bien que je l’aie souvent abordé de manières différentes, la nature a toujours été présente.
Quel a été votre inspiration
de départ pour l’exposition
Tout ce qui… scintille
présenté à la GAP ?
Louise Prescott : Tout commence avec une petite anecdote. À chaque année pendant le temps des fêtes, je marche beaucoup pour m’imprégner de l’ambiance festive que les décorations des maisons apportent. Puis, une fois, j’ai remarqué que les nouvelles ampoules Del offrent beaucoup moins de brillance que celles que je voyais avant. Elles ne scintillent pas, elles sont ternes. Pour moi, cet élément si simple enlevait un peu de la magie des fêtes. Puis, quelque temps plus tard j’y ai repensé et en regardant mes œuvres j’ai eu une illumination (!); cette réflexion sur le scintillement venait réunir mes œuvres en une grande exposition ; Tout ce qui… scintille.
Vous faites également de la poésie et vous êtes vice-présidente de la maison d’édition Art le Sabord
(qui marie poésie et arts visuels). Dans quelle mesure ces deux pratiques sont-elles liées ?
Louise Prescott : Tout d’abord, la poésie n’est pas une pratique pour moi. Je suis une peintre qui a écrit un recueil de poèmes à propos de la peinture. Par contre, j’ai publié beaucoup de textes sur l’art tout au long de ma carrière. D’ailleurs, j’ai publié le livre Le complexe d’Ulysse, signifiance et micropolitique dans la pratique de l’art, en 2000, qui est ma thèse de doctorat sur la pratique de l’art. Je me suis inspirée de l’Odyssée d’Homère, alors le ton de mon essai est principalement poétique. La poésie a pris place dans ce que je fais beaucoup grâce au festival de poésie de Trois-Rivières et depuis je m’implique dans le festival, mais également au magazine d’Art le Sabord. C’est un langage qui correspond bien à mon travail.
Merci à Louise Prescott
Ne manquez pas l’exposition qui se tiendra
à la Galerie d’art du Parc du 20 septembre au 25 octobre 2015.
Caroline Champoux,
étudiante au Baccalauréat en arts visuels à l’U.Q.T.R.